Simuler le plaisir sexuel

Simuler le plaisir sexuel

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Qui n’a pas au moins une fois dans sa vie simulé le plaisir charnel ?... Les raisons de la simulation sont variées. Contrairement aux clichés, les femmes ne sont pas les seules à le faire, les hommes s’adonnent également à cette « comédie ». Alors pourquoi simule-t-on ? Dans quelle mesure la simulation est-elle un cercle vicieux et peut-on en sortir ? Creusons un peu.

 

Pourquoi simule-t-on?

La plupart du temps, les femmes et les hommes simuleraient leur envie, leur plaisir ou l’orgasme pour rassurer leur partenaire et ne pas la/le blesser dans sa féminité/virilité. Cette attitude peut aussi se défendre si la personne ne comprend pas que l'orgasme de sa/son partenaire ne vienne pas aussi facilement que le sien. Les hommes simulent davantage par insécurité, manipulation ou pouvoir. Il est vrai que beaucoup d’hommes restent persuadés que c’est à l’homme de faire jouir sa partenaire… En réalité, dans une relation équilibrée et ouverte, il revient aux femmes de guider leur partenaire sur les gestes désirés et de faire le nécessaire pour augmenter leur propre excitation ! Le pire des scénarios – c’est souvent le cas des femmes malheureusement – est celui de se forcer à coucher avec un partenaire ou un conjoint qu’elles ne désirent ou n’aiment plus. Pour des raisons diverses, telles que la pression sociétale, la peur de se retrouver seule, d’être trompée, de se retrouver dans une situation financière précaire etc. Elle simule pour garder sa son mari, pour remplir son « devoir conjugal ».

 

Est-ce courant de simuler chez les hommes?

« L'idée de la virilité conquérante, pénétrante persiste dans l'inconscient masculin et la défaillance sexuelle reste encore quelque chose de honteux », confirme le sexothérapeute Alain Héril. Une vision étriquée confortée par des siècles d'histoire. « La sexualité reste focalisée sur le vécu masculin. Elle demeure influencée par la description de l'acte sexuel établie par les médecins du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle : érection, pénétration, éjaculation. Avec cette « trilogie du coït », les hommes portent aussi un fardeau, ils sont enfermés dans un moule assez étroit. Pourtant, s'ils s'en vantent rarement, 30 % des hommes auraient déjà simulé, selon une étude du magazine britannique Time Out  publiée en 2014. C'est un tabou pour eux car nous sommes encore dans une société où la baisse du désir masculin n'est pas acceptée et est souvent associée à une défaillance de virilité et de masculinité.

Si pour les femmes, il suffit de pousser quelques soupirs ou cris pour donner le change, il est plus difficile qu'un homme puisse feindre l'extase puisque l'orgasme coïncide très souvent avec l'éjaculation. Pascal de Sutter, sexologue belge, reconnait : « il est plus délicat pour un homme de le faire dans la mesure où lorsqu'il jouit l'éjaculation est normalement présente. Même si les femmes ne la sentent pas ou ne la voient pas toujours immédiatement, elles peuvent s'en rendre compte en remarquant l'absence d'écoulement après le rapport ». Lorsqu'ils tombent sur une partenaire qui a de l'expérience, qui a connu beaucoup d'hommes, au départ cela les stimule, mais cela peut aussi les bloquer. Le culte de la performance est décidément tenace…

 

Cercle vicieux de la simulation et comment en sortir

Si une femme ou un homme feint de temps à autre le plaisir parce qu'elle/il est fatigué(e) ou pour réconforter sa/son partenaire, cela n'a guère d'incidence négative. En revanche, si elle/il le fait trop souvent ou systématiquement, elle/il risque alors de se couper pour longtemps de son propre plaisir et de l'occulter à jamais. Le partenaire peut alors comprendre à tort comment elle/il fonctionne sur le plan du plaisir, ne plus s’impliquer et chercher les chemins de la jouissance de sa/son partenaire, pensant à tort la/le satisfaire… Cela peut devenir un cercle vicieux, et le simulateur s'expose à ne jamais connaître d'orgasmes véridiques. D'autre part, vivre dans la durée des relations sexuelles avec ce « mensonge » risque d’ éloigner un couple, voire même le mettre en péril.

Peut-on sortir de ce cercle vicieux ? Ne serait-ce pas plus simple d'en parler avec sa/son partenaire ? « À partir du moment où simuler reste exceptionnel et que ça n'empêche pas la communication dans le couple, il ne faut pas s'affoler. Mais si cette volonté de rassurer sa/son partenaire peut paraître noble au premier abord, elle peut aussi engager des rapports qui vont être plus compliqués ensuite », prévient Claire Alquier thérapeute de couple. « C'est une espèce de leurre qu'on met en place vis-à-vis de l'autre, mais aussi vis-à-vis de soi-même : un homme qui fait semblant, comme une femme, n'est pas heureux dans l'acte sexuel. La simulation reste un symptôme d'une difficulté de dialoguer. Si le discours sur la sexualité est omniprésent d'un point de vue médiatique, il reste globalement problématique dans l'intimité des couples », déclare-t-elle. Elle rajoute : « Il faudrait cesser de considérer un rapport sexuel réussi parce qu'il y a eu un orgasme à la fin et une éjaculation, peut-être que le champ érotique serait beaucoup plus riche ». Les spécialistes sont en tout cas unanimes : on peut faire l'amour sans pénétration et sans orgasme... tout en prenant beaucoup de plaisir. Et si finalement c'était ça l'égalité au lit ? Jouir, ne pas jouir, et pouvoir l'assumer sans culpabiliser ?

 

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Photo © Adobe – Auteur : Moro

Betty_Nelly, 01.04.2021