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Rituel central de la culture française qui ouvre et clôt une rencontre, la bise a été quelque peu malmenée depuis le début de l’épidémie de la Covid. Si certains se réjouissent de ne plus être obligés de la faire, d’autres sont heureux d’avoir retrouvé ce geste social fédérateur. Mais quelles sont les origines de la bise ? Comment pratiquer ce geste bien codifié en fonction de la région de son interlocuteur ? Pourquoi est-elle si présente au sein de notre société et comment a-t-elle évolué depuis la pandémie ? Petit tour d’horizon !
Origines de la bise
La pratique de la bise existerait depuis l’Antiquité mais la frontière entre bise et baiser a longtemps été ténue.
Les Perses de même rang social, par exemple, avaient l’habitude de s’embrasser sur la bouche quand ils se rencontraient. Si l’un deux était d’un rang inférieur, ils s’embrassaient sur la joue et si la différence de statut était vraiment importante, l’un s’agenouillait et se prosternait devant l’autre. Les romains pratiquaient également ce code social sous trois formes différentes : L’ « osculum », un baiser échangé entre personnes de même rang social sur la joue, la main ou la bouche ; le « basium », un baiser de tendresse pratiqué entre conjoints ou entre membres d’une même famille et enfin le « stavium », baiser érotique, équivalent du « french Kiss ». S’embrasser en guise de salutation n’a longtemps été réservé qu’aux hommes. La bise entre hommes et femmes a d’ailleurs été officiellement interdite en 397 par le Concile de Carthage car considérée comme un acte de débauche. Au XIV siècle, dans un contexte d’épidémie (peste noire), ce rituel a de nouveau disparu. Entre la Renaissance et le XVIIIe siècle, on observe un retour timide de la bise mais davantage sous la forme du baiser galant, romantique, voire libertin. Au XIX elle est littéralement bannie de l’espace public et réservée à une pratique intime, au sein de la famille. 1968 marque une rupture avec la libération des mœurs et banalise cette pratique.
La bise, un rituel bien codifié
La bise est souvent perçue comme une spécificité française, ce qui n’est pas approprié puisque nos voisins « directs » belges et suisses la pratiquent, tout comme la plupart des pays du Sud de l’Europe, la Russie, l’Amérique Latine, ainsi que certains pays arabes et africains. Certains étrangers, comme nos voisins d’Outre-Manche qui nomment cette pratique « Cheek Kiss », voient souvent ce geste comme une bizarrerie difficile à appréhender. Certains sont même stressés à l’idée de devoir « passer à l’acte » et s’interrogent sur la manière de faire ! Combien de bises et par quel côté commencer ? Et si les deux personnes s’engagent dans la même direction, n’est-ce pas le « french Kiss » assuré ? (ce qui, me direz-vous, peut aussi se révéler agréable :-). Il est vrai qu’en France, on fait entre une et quatre bises, en fonction des régions. D’après une enquête menée en 2016 par le site Français de nos régions, la majorité des départements pratiquent la formule « deux bises ». Dans le Finistère et les Deux-Sèvres, 50% des participants déclarent ne faire qu’une seule bise. Le Sud-Est, hors Marseille donc, est plutôt lui abonné aux trois bises tandis que les 4 sont prisées par les départements du Nord. A noter que chez nos voisins directs, où le Club a également de nombreux membres :-), les habitudes divergent. Presque 100% des Belges déclarent ne faire qu’une bise tandis que les Suisses romands sont adeptes des trois bisous !
Si vous voulez épater vos hôtes lors de votre prochain voyage, sachez que le verbe « se biser », très prisé de Raymond Queneau, est encore en usage dans le Sud-Ouest de la France où il côtoie la variante « se biger ». En Belgique, on emploie volontiers l’expression « faire une baise » (sans connotation sexuelle ou vulgaire), ce qui donne en Picardie « baisse ». Les Normands « se boujoutent », les Suisses et les québécois « se font un bec » et les alsaciens « un schmoutz » !
La bise, un geste pas si anodin en voie d’extinction ?
Comme l’explique la psycho-sociologue Dominique Picard, « on ne se salue pas seulement pour se souhaiter une bonne journée (…), la salutation est ce que l’on appelle une reconnaissance identitaire, une façon de dire à quelqu’un qu’il n’est pas un inconnu, qu’il fait partie de notre sphère de connaissance. C’est une reconnaissance dont on a besoin pour se sentir exister aux yeux des autres ». C’est en partie pourquoi le bannissement de ce rituel pendant l’épidémie du Covid a été pour certains si douloureux. Et parce que la bise, outre ce sentiment d’appartenance, apporte de la chaleur humaine. C’est pour beaucoup une marque d’affection importante, notamment dans le cercle familial, mais aussi parfois des collègues de travail. D’autres en revanche se réjouissent de ne plus se sentir obligés de la pratiquer. Cela pour plusieurs raisons : l’hygiène en premier lieu, car on est conscient qu’outre le Corona, les infections saisonnières comme la grippe ou la gastro sont nombreuses. D’autres invoquent la protection de leur intimité. Cela relève parfois même d’un acte féministe : certaines femmes ne se sentent en effet pas à l’aise avec cette proximité ritualisée, d’autant que la bise s’accompagne souvent d’une main sur l’épaule ou la hanche. Enfin, notons que le rituel de la bise n’est plus transmis automatiquement par les parents à leurs enfants. Dominique Picard relève que « ne pas obliger à embrasser, c’est une façon d’aider les enfants à se vivre comme des personnes autonomes, responsables, qui ont le droit de défendre leur intégrité ». Comme quoi, la bise est un sujet moins consensuel qu’il n’y parait !
Et vous, comment la pratiquez-vous ? C’est plutôt une, ou quatre ? Et la faites-vous volontiers ? Dans le monde professionnel également ? Son bannissement au plus fort de la Covid vous a-t-il déstabilisé(e) ? Comment percevez-vous son évolution ? Vos témoignages nous intéressent !
Photo © Adobe – Auteur : JackF
charlotte4575, 10.10.2024