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Les gares ont cette faculté singulière de concentrer toute une gamme d’émotions humaines. C’est un lieu de passage, de transit, d’étreintes, de retrouvailles, mais aussi le théâtre de nombreuses séparations amoureuses. Qu’elles soient définitives ou temporaires, ces séparations en gare nous bouleversent parce qu’elles nous rappellent ce que l’amour a de fragile, comme des larmes qu’on ne retient plus... On a tous croisé un couple d’amoureux figé au bord du quai, accroché l’un à l’autre comme si le monde allait s’écrouler au premier coup de sifflet. L’un part, l’autre reste. Quelques secondes encore. Un dernier regard. Puis les portes se referment. Nous chercherons à comprendre dans cet article pourquoi les gares marquent autant les séparations amoureuses, en quoi elles ont toujours eu quelque chose de « cinématographique » et pourquoi elles reflètent des aspects de notre existence.
Pourquoi les gares marquent-elles autant les séparations amoureuses ?
Lieu de passage, les gares sont des endroits où les gens arrivent et repartent — elles incarnent l’instabilité, le mouvement, le changement. C’est donc un cadre naturel pour des adieux. C’est également le symbole d’un temps suspendu. Entre l’annonce du train et son départ, le compte à rebours s’enclenche. Les émotions deviennent plus intenses. Le quai incarne comme une scène d’un drame discret : dans le tumulte des annonces, au milieu des valises et des voyageurs pressés, un couple s’arrête. Le train est là, bientôt prêt à partir. Dans ces dernières secondes avant le départ, tout peut être dit… ou tout peut rester tu. La gare incarne la fugacité, l’incertitude. À chaque quai correspond une destination, un avenir qui s’éloigne ou qui s’écrit autrement. Dans une séparation amoureuse, elle symbolise la fracture entre un « nous » et un « je », entre le passé partagé et le futur séparé. Il y a dans ces adieux un mélange de douleur et de beauté : la douleur du manque à venir, et la beauté d’un amour assez fort pour rendre le départ difficile. On y voit aussi parfois de l’espoir - l’idée que cette séparation n’est que temporaire, qu’il y aura des retrouvailles, d’autres quais, d’autres embrassades. Le décor d’une gare est chargé de tant symboles qu’il a inspiré bien des scénarios cinématographiques, gravés dans nos mémoires…
Une image persistante dans la culture cinématographique
Le cinéma a fait des gares des moments mythiques dans lesquels, qu’ils soient à quai ou dans le hall, les personnages du septième art ont fait vibrer nos cœurs. D’ailleurs, l’un des premiers films de l’histoire du cinéma, intitulé : L'Arrivée d'un train en gare de La Ciotat, fut tourné par un certain Louis Lumière durant l'été 1895, puis projeté publiquement pour la première fois en janvier 1896, à Lyon. Depuis lors, la gare n’a cessé d’être le théâtre de bien des histoires de pellicules. Citons par exemple des films comme Les Parapluies de Cherbourg, Before Sunrise, ou Casablanca qui ont ancré cette image dans la mémoire collective. Les techniques cinématographiques ont su capter des instants amoureux et parvenir à toucher leur public. La gare est un lieu sentimental à part entière. Qu’ils se retrouvent passionnément sur le quai de la gare de Deauville à l’instar de la scénariste et du coureur automobile d’Un homme et une femme de Claude Lelouch ou qu’ils se quittent comme Catherine Deneuve et son amant, en route pour la guerre d’Algérie, dans Les Parapluies de Cherbourg de Jacques Demy, les « amoureux des gares » ont inspiré les plus grands cinéastes. En effet, ce lieu si atypique et rempli de symboles que représente le quai de gare, incarne l’allégorie même de l’Amour. Dans Gare du Nord de Claire Simon, les destins s’entrechoquent et se mêlent au sein de ce même lieu, où le temps s’arrête et où tout, pourtant, grouille et va trop vite. Comme l’escale d’un long voyage qu’est celui de la vie où certains rendez-vous marquent davantage le cœur et l’esprit…
La gare, reflet de notre existence
Les gares sont des lieux où l’éphémérité de l’existence prend sa place et où des instants peuvent laisser d’importantes empreintes. On y croise des gens à qui l’on n’adresse que quelques mots et que l’on ne reverra sans doute jamais ; elle n’est parfois qu’une fenêtre de transition entre deux moments de notre existence. Les regrets laissés derrière le départ du train, et les rêves qui s’empressent à l’avant. Tant de chemins de vie se croisent dans une gare. Au-delà de sa fonction de simple point de départ ou d’arrivée, la gare est le reflet de notre destinée et nous invite à réfléchir à notre propre parcours. Elle nous rappelle que nos existences sont le fruit de rencontres, de choix et de décisions qui jalonnent notre trajectoire. Tout comme les trains qui partent et qui arrivent, nous nous lançons dans des aventures, des expériences qui forgent notre être. Les gares sont les témoins de ces moments de transition, où l’attente et le mouvement se côtoient. En observant ces lieux chargés de symboles, nous sommes invités à prendre conscience de l’essence même de nos vies…
Que vous inspire ce sujet ? Les gares ont-elles une symbolique particulière à vos yeux ? Avez-vous déjà vécu des séparations bouleversantes sur le quai d’une gare ? Une séquence de film tournée dans une gare vous-a-t-elle particulièrement touché(e) et si oui laquelle ?
Photo © Adobe – Auteur : Kishore Newton
charlotte4575, 22.05.2025