L' ennui

L' ennui

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« Mon ami je suis trop heureuse, le bonheur m’ennuie » écrivait Rousseau dans La Nouvelle Héloïse. De nos jours l’état d’ennui est souvent chargé d’une connotation négative et pour la plupart, éviter de s’ennuyer est considéré comme un impératif. Pour quelles raisons s’ennuie-t-on ? Nos tâches quotidiennes nous enlisent-elles lentement dans l’ennui ?  L’ennui est ambivalent, on le redoute et on le recherche à la fois. En effet, pris dans la tourmente du travail et des interminables choses à « faire », combien de fois avons-nous aspiré à avoir le temps de s'ennuyer ?  « Faire » quelque chose, c'est un assouvissement de plusieurs besoins, incluant le besoin de créativité, celui d'être utile et reconnu. Paradoxalement nous verrons que même en « faisant » quelque chose, on peut s’ennuyer. Nous évoquerons pour finir le thème de l’ennui en littérature.

 

L’ennui, une absence temporaire de curiosité

On peut s'ennuyer dans tous les domaines, à l'école, au travail, dans ses relations amicales, avec sa famille, son conjoint alors que ça n'était pas le cas avant. On ne sait pas trop pourquoi, mais on s’ennuie et un manque d’intérêt s’empare de notre existence. Ne serait-ce pas parce que nos objectifs de départ n’ont pas été atteints ? C’est alors à nous de fixer de nouveaux objectifs, qui nous redonneront de la motivation, attiseront notre curiosité et éradiqueront cet ennui. Une seconde cause possible à l'ennui est la fatigue psychologique : il importe de reposer son cerveau en modifiant ses habitudes pour y mettre un peu de nouveauté afin que la curiosité et l’intérêt reviennent. Attention, si cet état d’ennui devient pathologique et donc improductif et douloureux, il pourrait s’agir d’un premier symptôme de dépression et il faut se faire aider au plus vite. Dans les cultures orientales, la méditation occupe une place centrale et remplace en quelque sorte le sentiment d’ennui. On peut aussi se demander s’il n’existe pas une prédisposition à s’ennuyer ou à jouir de l’existence. De nature, les êtres sont-ils plus disposés à être curieux ou au contraire à être condamnés à subir un ennui existentiel ?

 

L’ennui, signe de désirs non assouvis

Si nous n’arrivons pas à sortir de l’ennui ou si nous nous ennuyons souvent, c’est le signe que nous ne vivons pas en adéquation avec nos intérêts, nos goûts et nos besoins. Il faut alors réagir. Pour chasser l’ennui, il faut s’occuper à quelque chose qui a du sens pour nous et prendre le temps d’identifier nos désirs réels. Quels sont nos véritables besoins ? Il ne faut surtout pas les négliger en laissant par exemple aux autres le soin de décider ou en faisant passer le besoin des autres avant les nôtres. C’est aussi le cas de celui qui passe la majeure partie de son temps à faire « ce qu’il doit faire », sans se soucier d’assouvir ses propres besoins. Enfin on peut également s´ennuyer d’êtres aimés, que l’on a trop peu l’occasion de voir, s’ennuyer d’une culture, d’un endroit, d’une atmosphère.

 

L’ennui en littérature

Le premier théoricien de l’ennui est Pascal dans les Pensées. Ce dernier aborde l’ennui comme un sentiment proche de la tristesse et du temps qui passe. Il considère l’ennui comme le luxe des riches que l’on pourrait croire heureux. Il est convaincu que la relation à Dieu reste l’unique solution à l’ennui. Flaubert a fait de son héroïne Emma Bovary l’emblème de l’ennui bourgeois, vivant dans le romantisme et les livres pour échapper à l’ennui. Pourtant même de cette façon, c'est une éternelle insatisfaite. Baudelaire quant à lui, percevait l´ennui comme un état affectif. Le « spleen baudelairien » désigne une profonde tristesse née du mal de vivre. C’est par ces mots qu’il décrit ainsi l’ennui dans les Fleurs du Mal : « Il ferait volontiers de la terre un débris, et dans un bâillement avalerait le monde : c'est l'ennui ! ».  Le poète et philosophe italien Leopardi situe l’ennui entre la mélancolie et la gaîté. Il développe aussi l’idée selon laquelle l’ennui, qui finalement est le témoin d’une grandeur d’âme, n’est réservé qu’aux « âmes bien nées ». Pour le « peuple », il n’y aurait pas d’ennui mais plutôt de « l’oisiveté » (une non activité désirée). Proust considérait également l´ennui comme un « privilège de privilégié », souvent identifié aux classes sociales, le travail ouvrier ne pouvant pas être un univers propice à l´ennui. 

 

Quel est votre avis sur ce thème ? L’ennui est-il un concept péjoratif pour vous ? Ou bien une occasion de se retrouver face à soi-même ?

 

Photo © Fotolia – Auteur : vladimirfloyd 

Betty_Nelly, 05.09.2017