Découverte à Munich d'un trésor perdu

Découverte à Munich d'un trésor perdu

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Alors que la Seconde Guerre mondiale a pris fin depuis bientôt 70 ans, les exactions commises par les nazis réservent encore des surprises ; la dernière en date étant la découverte de 1500 tableaux volés ou confisqués par le IIIème Reich.

 

Une incroyable découverte

Dimanche dernier,  l'hebdomadaire allemand Focus a révélé au public la découverte, effectuée par la police allemande à Munich en 2011, d'environ 1500 tableaux entreposés depuis plus de 50 ans dans l’appartement d'un octogénaire, Cornelius Gurlitt. Parmi les peintures retrouvées, on compte des toiles réalisées par certains des plus grands maîtres tels Chagall, Picasso, Matisse ou encore Max Beckmann. Estimé à plus d'un milliard d'euros, le trésor retrouvé suscite bien des questions et nous rappelle les heures noires du règne d'Hitler.

 

L'art et les nazis : entre vol et censure

D'après le président du registre des oeuvres d'art perdues, Julian Radcliff, il s'agirait de l'une des plus importantes découvertes concernant le vol d'objets d'art dans le cadre de l'Holocauste. Depuis lors, l'experte Meike Hoffmann tente de retrouver l'origine des tableaux subtilisés ainsi que leurs propriétaires.  Il apparaît ainsi que maintes peintures appartinrent à des Juifs spoliés par les nazis. Néanmoins, certaines furent également bradées par des Juifs en fuite. C'est notamment le cas d'une peinture de Matisse ayant appartenu au collectionneur Paul Rosenberg, contraint d'abandonner ses oeuvres lorsqu'il dut quitter Paris durant l'Occupation. Enfin, les peintures restantes furent probablement confisquées par les nazis à des musées allemands et autrichiens. Les nazis voyant en elles de l'"art dégénéré". Ce terme, inventé par le ministre de la propagande Joseph Goebbels en 1937, s'opposait à l'"art héroïque", pur et officiel. Il  désignait des oeuvres abstraites et jugées comme étant le produit de l'imagination des Juifs ou des bolcheviks, honnis par le régime hitlérien. Pas moins de 1600 artistes, tels Paul Klee ou Otto Dix, seront ainsi interdits. Quant aux 21 000 oeuvres confisquées, la plupart d'entre elles seront vendues à l'étranger, le régime national-socialiste trouvant là une importante manne financière.

 

Une histoire digne d'un roman policier

L'histoire des 1500 tableaux retrouvés dans la demeure de Cornelius Gurlitt prend place dans ce contexte. En effet, le père de l'octogénaire, Hildebrand Gurlitt, entretenait des liens assez ambigus avec le IIIème Reich. Directeur de musée, collectionneur d'art,  appréciant les artistes d'avant-garde, Hildebrand Gurlitt reçoit, malgré son goût pour l'"art dégénéré" et ses ascendances juives (sa grand-mère était juive), le privilège exclusif de vendre à l'étranger les oeuvres dites dégénérées pour le compte du IIIème Reich. 

Relâché à la fin de la guerre par les américains, Hildebrand Gurlitt laisse à son fils un trésor insoupçonné. Ce dernier, sans emploi, subvient ainsi à ses besoins en vendant de temps à autre quelques-uns des tableaux en sa possession. Toutefois, un beau jour de septembre 2010, des douaniers sont intrigués par les 9000 euros en liquide que possède Cornelius Gurlitt. Décidant alors de placer le vieillard sous surveillance, la police allemande finit par perquisitionner son appartement munichois en 2011 où, parmi des détritus, 1500 tableaux seront découverts.

 

Photo: portrait de Wolfgang Gurlitt par Lovis Corinth, 1917

Betty_Nelly, 12.11.2013