Le salon de coiffure, un lieu pas si anodin

Le salon de coiffure, un lieu pas si anodin

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A bien observer mes proches en visio-conférences pendant ces dernières semaines de confinement, que ce soit un collègue arborant de telles rouflaquettes qu’il pourrait paraître au casting d’un film d’époque, l’entraineur de foot de mon fils avec sa nouvelle coupe mulet ou autres copines tentant vainement de cacher leurs racines, je me suis dit qu’on avait tous un regret commun : notre coiffeur ! Quel soulagement donc de pouvoir rejoindre mon salon de coiffure la semaine dernière pour enfin retrouver une tête présentable ! Mais ne s’agit-il que de cela ? D’une question d’apparence et de bien être ? Se rendre chez son coiffeur n’est peut-être pas une démarche aussi anodine qu’il y parait.  A l’instar du salon de beauté ou du cabinet de kinésithérapie, le salon de coiffure est un lieu de sociabilité à part. Creusons un peu.

 

Le cheveu : tout un symbole !

C’est tout d’abord un symbole fort car c’est le seul élément de notre organisme qui soit inaltérable. C’est dans cette logique qu’on conserve par exemple précieusement les premières mèches de cheveux de son bébé. Nos cheveux marquent souvent les grandes étapes de notre vie : au fil des années, on s’affirme (ou pas) à travers nos coupes de cheveux, les teintes que l’on choisit. Cela peut-être en signe de rébellion, à l’adolescence, contre ses parents ou la société : on adopte alors des gestes radicaux comme se raser les cheveux, les teindre dans des tons improbables … Il se peut aussi que nous nous découvrions trop introvertis pour assumer une texture de cheveux « minoritaire ». Il faut parfois du temps pour dire adieu aux brushings et accepter ses cheveux bouclés ou crépus.  Les premiers cheveux gris ou premières pertes de cheveux sont souvent vécus comme un traumatisme. L’on a alors recours a moult artifices pour contrecarrer les effets du temps : implants, postiches, colorations…, A propos de ces dernières, on peut s’interroger sur les diktats imposés par notre société. Dans l’imaginaire collectif, les cheveux blancs chez une femme représentent souvent la vieillesse, la fin de la sensualité et sont signe de négligence. Il serait peut-être temps de revoir nos codes ! Même si la coupe courte, garçonne, s’est démocratisée chez la femme, les cheveux longs restent un symbole fort de féminité, d’érotisme et de sensualité. Pas étonnant alors que dans certaines religions les femmes doivent être voilées, qu’elles devaient il n’y a pas si longtemps encore dans nos sociétés occidentales se couvrir la tête pour entrer dans une église, et que raser les cheveux a longtemps été pratiqué en signe de représailles (on pense notamment aux femmes « tondues » à la libération).

 

Le salon de coiffure : lieu de sociabilité

Le premier salon de coiffure a été ouvert en 1888 dans la ville américaine de Rochester par une femme à la chevelure impressionnante, Martha Matilda Harper. Cette entreprise paraît tout à fait révolutionnaire dans le sens ou il était à l’époque très mal vu de se faire couper les cheveux en public. Elle développera ses propres produits capillaires et lancera le concept de franchise en ouvrant 500 filiales à travers le monde ! Le métier de coiffeur n’est pas de tout repos. Il doit non seulement être un bon technicien, mais aussi offrir une prestation de services satisfaisante : traiter ses clients comme s’ils étaient uniques, leur proposer café, magazines et même un petit massage au passage ; s’enquérir régulièrement de leur confort. Il doit surtout être à l’écoute et peut parfois même jouer le rôle de psy en fonction des états d’âme de ses clients. Il doit savoir garder son calme malgré des interlocuteurs parfois colériques, instables et doit donc lui-même travailler sur ses propres émotions. Cela nous ramène aux origines du métier de coiffeur : dans la Rome antique, les ornatrices, chargées de coiffer les Romaines, étaient servantes et pratiquaient leur activité au domicile de leur maîtresse. En plus de coiffer et friser, les ornatrices épilaient et maquillaient leur maîtresse qui avait tout pouvoir domestique sur elles. Celle qui ne la satisfaisait pas pouvait être brûlée au fer à friser !

Grâce à sa dimension relationnelle forte, le salon de coiffure est souvent perçu comme un lieu convivial, d’échanges, rassurant. Il est synonyme de relaxation : on s’offre du temps pour soi, on se fait dorloter, on oublie les impératifs, on est hors du temps. On aime observer les autres, et ce lieu de vie où les cancans vont parfois bon train.

 

Une démarche significative 

La dimension psychologique d’une visite chez le coiffeur n’est pas à négliger. On se met à nu en quelque sorte : le temps de la pose de la coloration ou des mèches, on s’offre au regard des autres (clients ou passants si on est face à la vitrine) dans une position peu avantageuse.  Le reflet du miroir ne nous satisfait pas toujours. Il y des jours où l’on se sent bien, et d’autres où l’on a une sale tête, pas le moral et envie de déguerpir illico presto. Pour certains, le passage chez le coiffeur peut-être vécu comme une contrainte. Ils ont l’impression de perdre leur temps, surtout s’ils passent par l’étape coloration qui rallonge fortement la séance. Ils peuvent être gênés par l’impression de devoir faire la conversation ou encore n’aiment pas le côté tactile de l’expérience. Soulignons que l’enjeu d’une visite chez le coiffeur n’est pas le même s’il on y va pour une simple égalisation des longueurs ou pour une coupe structurée, voire pour un changement radical de coiffure. Une simple visite chez le coiffeur pour « changer de tête » peut exprimer la volonté d’un nouveau départ !

La visite chez le coiffeur est-elle un moment privilégié pour vous ou est-elle vécue au contraire comme une obligation ? Quel rapport entretenez-vous avec vos cheveux et avec votre coiffeur ?

Vos témoignages nous intéressent !

 

Photo © Adobe – Auteur : Mykola

charlotte4575, 14.05.2020