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Le sociologue Jean-Francois Dortier écrit : « La beauté est injuste. Elle crée des inégalités entre individus, qui, bien que non dites, ont de très fortes implications sur le marché de l’amour ou sur celui du travail. On peut débattre sans fin de la beauté. La laideur, elle, est indiscutable. » Et la discrimination commence très tôt dans la vie, souvent avant la maternelle. « Sur les laiderons pèse une malédiction », poursuit le sociologue.
Critères de beauté
Existe-t-il des critères de beauté universels ? Certains psychologues le pensent. Depuis plusieurs années, de nombreuses expériences ont été réalisées. La technique la plus habituelle consiste à laisser des individus comparer deux portraits afin de déterminer le plus attirant. Les traits réguliers et juvéniles d’un visage sont plus attractifs que les autres. Ainsi d’office les visages de personnes âgés sont éliminés. Les candidats préfèrent les traits enfantins, grands yeux, petit nez, visage en forme de cœur ou ovale, lèvres pulpeuses. L’acné sur le visage, des dents mal rangés, des tâches ou encore des rides sont rédhibitoires. Un visage symétrique est également qualifié de beau. Toutefois, cette variation s’effectue autour de certaines données esthétiques qui divergent en fonction des époques et des cultures.
Le beau est-il bien ?
En plus d’être inégalitaire et injuste, la beauté dispose du privilège d’être associé automatiquement à ce qui est bien et bon. La relation entre le bien et le beau est de plus en plus présente dans notre langage. Nous parlons d’une « belle personne » pour évoquer ses qualités morales. Les études de psychologie sociale démontrent que la beauté est naturellement liée à la gentillesse, l’intelligence, la sympathie ou encore la santé. Bref, ce qui est beau est bien. Depuis la nuit des temps, l’imaginaire de la laideur est associé au mal qui correspond au diable, aux monstres, à la maladie voire même à la perversité.
Impact de la beauté/laideur sur notre vie quotidienne
Nous faisons journellement sans nous en rendre compte la sélection entre le beau et le laid. Cela commence dès l’école ou dans la famille, où certains, camarades, fratrie et même parfois les parents attaquent férocement les moches : ceux en surpoids, les handicapés, tous ceux qui sortent de la norme. Les enfants souffrent profondément et souvent à vie de ces persécutions. Cela se poursuit au travail, surtout lors d’entretiens d’embauche, mais aussi entre collègues. Les études menées affirment qu’un visage grossier sur une photo de candidature ou sur un CV peut être un véritable handicap. La beauté entre en jeu dans nos actes quotidiens. Ainsi, être beau et grand, c’est prouvé, s’avère être un énorme avantage, lorsqu’il s’agit de salaire, de juridiction (le « délit de sale gueule »). Ce qui est encore plus grave c’est que certaines personnes se trouvent laides, n’acceptent pas certaines parties de leur corps et vont par-là dans le sens de leurs détracteurs. Or, si on est laid dans le sens ordinaire du terme, on peut avoir un charme fou, une intelligence exceptionnelle (Jean-Paul Sartre par exemple). Les personnes laides ou qui se ressentent laides sont invisibles, à moins qu’elles aient des particularités qui sautent aux yeux. La plupart du temps sur le marché de l‘amour les « beaux » fréquentent les « beaux » et les « laids » se retrouvent entre eux.
Faire face à la dictature de la beauté
Tout ce qui contribue à nous rendre plus beaux selon les critères actuels nous est présenté continuellement dans les médias. Ceux-ci nous disent sans arrêt ce à quoi nous devons ressembler en faisant une publicité effrénée pour les produits de beauté (surtout anti-âge), les salles de musculation, les régimes, la chirurgie esthétique, le Botox. Tout cela représente un marché extrêmement juteux. Donc, faisons face en acceptant nos particularités, en mettant en avant nos attraits – car personne n’en manque complètement – en choisissant des vêtements seyants, en souriant, en écoutant vraiment les autres. Certains charmes font oublier en un instant la laideur. Nous connaissons aussi tous ceux qui étaient disgracieux jeunes et qui, le temps passant ont perdu leurs imperfections. Il faudrait que notre société prenne conscience de quelle discrimination elle se rend coupable. Suivons l’exemple de la Suède où on voit dans les médias, surtout à la télévision et dans les magazines entre autres, des photos de personnes disgracieuses ou âgées, car dans ce pays elles sont plus acceptées qu’ailleurs.
Que pensez-vous de ce sujet ? Avez-vous fait l’objet de discriminations ? Vos réflexions nous intéressent.
Photo © Fotolia – Auteur : Richard Villalon
Betty_Nelly, 14.06.2018